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Les plantes peuvent-elles dépolluer l'air de nos logements ?

Les plantes peuvent-elles dépolluer l'air de nos logements ?

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Un beau jour, préoccupé par la pollution et par votre santé, vous avez décidé d’acheter des plantes dites “dépolluantes” pour épurer l’air de votre home sweet home. Était-ce une sage décision ? Pas vraiment… Plutôt un choix basé sur une énorme idée reçue, née d’expérimentations pointues dans un laboratoire de la NASA.
Photo by Annie Spratt on Unsplash

Au tout début des années 1980, le Dr. Bill Wolverton travaille pour la NASA. Ce spécialiste de la chimie, de la microbiologie et de la biochimie planche tout particulièrement sur la qualité de l’air et les procédés de dépollution par les plantes. L’agence spatiale américaine s’intéresse en effet au sujet, avec l’objectif de pouvoir renouveler et épurer l’air dans les stations spatiales. 

Le scientifique américain teste plusieurs espèces végétales différentes, dans des enceintes en verre, pour ne sélectionner que les plus performantes. Les résultats, publiés en 1982, sont concluants : dans ces conditions précises, ces plantes dépolluent l’air. Le raccourci est né ! En réalité, cette expérience est l’exemple parfait du gouffre qu’il existe entre les tests en laboratoire et la situation réelle sur le terrain. 

Du laboratoire au logement

En France, il faut attendre 2002 pour qu’un projet scientifique d’envergure, le programme PHYTAIR, soit lancé pour savoir si, dans un logement standard, les plantes ont un impact sur la qualité de l’air intérieur. Mené par un consortium public (Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille, avec le soutien du CSTB, Centre Scientifique et Technique du Bâtiment et de l’Ademe, Agence de la transition écologique), ce projet scientifique a duré 10 ans ! Les résultats consolidés sont publiés en 2012. 

L’étude démarre en suivant le même protocole que celui du Dr. Wolverton. Eurêka ! En laboratoire, dans des enceintes en verre étanches de 300 litres, les plantes donnent les mêmes résultats. L’expérience permet de mettre en lumière le rôle global de la plante, de ses racines jusqu’à ses feuilles. 

Dans la terre et sur les feuilles

Une première dégradation des polluants caractéristiques du suivi de la qualité de l’air intérieur (comme le formaldéhyde, le monoxyde de carbone ou encore le toluène) est réalisée au niveau du substrat de la plante, c'est-à-dire dans la terre, au niveau des racines. C’est là que les micro-organismes qui vivent en symbiose avec la plante sont capables de décomposer les molécules chimiques. 

De plus, en suivant le protocole de la NASA, la réaction de dépollution a été améliorée par la présence de charbon actif dans la terre. Ce dernier est capable de fixer et de piéger, à sa surface, les molécules chimiques selon un procédé appelé adsorption (avec un “d”!). Il se passe exactement la même chose dans les carafes d’eau filtrantes avec les cartouches de charbon actif à remplacer régulièrement (car, une fois saturées, elles peuvent relarguer toutes les molécules chimiques qu’elles avaient bloquées…) ! 

Le deuxième site de dégradation des polluants est localisé au niveau des feuilles de la plante. Plus les feuilles sont longues et larges, augmentant la surface d’échanges gazeux entre la plante et l’air, combinées à un feuillage dense, et plus la plante pourra piéger les polluants dans l’air. Cependant, ces échanges sont fortement influencés par l’humidité et la température de l’air, ainsi que par le temps de contact. Ces paramètres sont facilement maîtrisables dans une enceinte en verre dans un laboratoire… Mais complètement ingérables dans le logement !

Une plante verte
Photo by Mitchel Lensink on Unsplash

Alors, la dernière phase de l’étude PHYTAIR consiste à placer les plantes testées en laboratoire dans une maison. Pour une pièce de 20m2, 12 plantes sont ajoutées. Comme vous pouvez vous en douter, cette dernière phase d’expérimentation ne donne aucun effet significatif. Avec ou sans plante, la qualité de l’air intérieur reste désespérément la même...

100% inefficace dans des conditions réelles

En fait, pour être efficaces dans le logement, il faudrait que l’air pollué passe d’abord par le substrat des plantes, puis reste en contact avec les feuilles suffisamment longtemps pour permettre au feuillage de compléter la réaction de dépollution. Mais dans un “vrai” lieu d’habitation, entre l’ouverture de la porte d’entrée, des fenêtres et la ventilation qui fonctionne de manière autonome, il n’y a aucun moyen de maîtriser les flux d’air et de forcer le passage dans les pots de fleurs. Une maison ou un appartement n’est pas un environnement étanche comme une station spatiale ou un sous-marin… 

Cependant, les plantes ont un impact non négligeable sur le moral. Évoluer dans un environnement, même faiblement végétalisé, apporte un sentiment de sérénité et de bien-être. Alors ne vous privez pas d’avoir quelques beaux spécimens à la maison! 

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À propos de l'autrice
Elodie Lapierre
Rédactrice spécialisée en santé environnementale
Titulaire d’un Master Méthodes de Recherche en Environnement, Santé et Toxicologie, Elodie a à cœur d’informer et de sensibiliser aux idées reçues afin de permettre à chacun et chacune de faire des choix éclairés.
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