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Fast fashion : derrière la production de vêtements, des conditions sociales catastrophiques

Fast fashion : derrière la production de vêtements, des conditions sociales catastrophiques

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Les marques de la fast fashion se développent en vendant des vêtements à bas coût. Mais si on peut acheter une robe à 10 euros, c’est bien que la rémunération n’est pas juste aux différentes étapes de la chaîne de production : la plupart des employés de cette industrie travaillent dans de très mauvaises conditions.

En 2018, 75 millions de personnes dans le monde travaillent dans l'industrie de la mode, selon les estimations de l’UNECE (Commission économique pour l'Europe des Nations Unies). De plus, "entre 2000 et 2014, la production de vêtements a doublé. [...] Pourtant, chaque vêtement est désormais conservé deux fois moins longtemps. L'industrie est vraiment entrée dans l'aire de la fast fashion". Qu'est-ce que cette "mode rapide", aussi vite consommée que jetée ? C’est une branche de l’industrie de la mode qui propose un large choix de vêtements se renouvelant sans cesse, à des prix très abordables. Elle représente 56 millions de tonnes de vêtements vendus chaque année dans le monde, selon Fast fashion, les dessous de la mode a bas prix, un documentaire d’Edouard Perrin et Gilles Bovon diffusé sur Arte.

Entre 2000 et 2014, la production de vêtements a doublé. [...] Pourtant, chaque vêtement est désormais conservé deux fois moins longtemps. L'industrie est vraiment entrée dans l'aire de la fast fashion.

Le plus gros groupe du secteur est la firme Inditex (composée de Zara, Massimo Duti, Pull and Bear, etc.), avec un bénéfice net d’1,1 milliard d’euros en 2020. L’idée de départ était de démocratiser la mode, de la rendre accessible à tous. Une bonne idée, non ? Mais cette industrie du textile dit "jetable" a aujourd’hui des conséquences sociales terriblement néfastes. Pour augmenter leur rentabilité, les multinationales sous-traitent la production de vêtements à une grande quantité d’ouvriers dans des pays où la main d’œuvre est très peu chère. Toujours selon l'UNECE, "les réductions de coûts et les contraintes de temps sont imposées à toutes les parties de la chaîne d'approvisionnement, ce qui mène les travailleurs à subir de longues heures de travail et des bas salaires".

Des salaires trop bas pour les travailleurs du textile

Les travailleurs de l’industrie de la fast fashion sont en effet souvent exploités. Pour un rapport d’Oxfam Australie, des ouvriers du textile du Bangladesh sont interrogés : 100% d'entre eux ne gagnent pas un salaire minimum vital. Cela signifie qu’ils n’ont pas assez pour subvenir à leurs besoins essentiels (nourriture, logement, vêtements). Au Bangladesh, le salaire d’un travailleur dans le textile est le plus bas au monde, soit 0,3 dollar de l’heure. Au Vietnam, les usines payent leurs employés selon leur productivité afin de les motiver mais profitent du fait que la plupart des travailleurs ne sachent pas comment calculer le salaire qu’ils devraient recevoir pour les payer moins. 

Même en Europe, le tableau n’est pas rose. Le documentaire d'Arte Fast fashion, les dessous de la mode a bas prix opère entre autres une plongée dans des ateliers de textile à Leicester, au Royaume Uni. Les employés disent gagner 3 euros de l’heure et ne pas avoir d’horaires fixes ni de contrat, la généralisation de ce  système informel faisant planer une grande incertitude sur les revenus. Ces travailleurs précaires ne bénéficient d’aucune protection sociale, au mépris du respect des droits de l’Homme.

Les femmes et les enfants en première ligne

Les femmes représentent entre 80% des travailleurs du vêtement dans le monde d’après Clean Clothes Campaign. Pour confectionner les tee-shirts des grandes marques, les journées de 12 heures, sans paiement des heures supplémentaires et avec des jours de repos insuffisants sont légion. Un rapport de Human Rights Watch dénonce en outre, parmi de nombreuses pratiques abusives, les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et les violations des droits des femmes au Pakistan. Beaucoup d’entre elles sont jeunes et subissent de nombreuses agressions sous forme de harcèlement sexuel, de menaces, etc.

Le travail infantile est aussi très répandu dans le secteur du textile. L’OIT (Organisation Internationale du Travail) affirme que 17 millions d’enfants entre 2012 et 2016 ont été contraints d’exercer des métiers de l’industrie... Y compris, donc, celle de la mode. Selon l’ODI (Overseas Development Institute), 50% des enfants de 14 à 16 ans issus de bidonvilles de Dacca (Bangladesh) travaillent dans les ateliers de fabrication. Ils gagneraient en moyenne 8 euros par semaine. Leur travail les empêche d’aller à l’école et ainsi d’espérer échapper, plus tard, à la pauvreté.

Des conditions de travail désastreuses

Toutes ces catégories d’employés travaillent souvent dans des conditions dangereuses pour leur santé. Par exemple, à cause du mauvais entretien du bâtiment, l’usine textile Rana Plazza s’est effondrée en avril 2013 au Bangladesh. Plus de 2000 travailleurs ont été blessés et plus de 1 130 sont morts. Pour baisser leurs coûts, les marques de fast fashion profitent des normes sanitaires très superficielles voire parfois inexistantes des pays où elles implantent leurs usines.

Les journalistes d’Arte sont partis à la rencontre de travailleurs indiens qui racontent avoir dû transformer de la cellulose de bois en viscose, soie artificielle utilisée pour fabriquer des vêtements. Ce procédé fait intervenir un composant chimique : le disulfure de carbone. Ce dernier peut créer de graves effets sur le corps humain (hallucinations, crises cardiaques, paralysie, etc.). L'UNECE insiste aussi sur ce point : la fast fashion est liée à "des conditions de travail dangereuses, en raison de procédés peu sûrs et de substances dangereuses utilisées dans la production".

Une prise de conscience ?

Tous ces scandales médiatisés suscitent des prises de conscience chez les consommateurs. Récemment, le sort des Ouïghours, enfermées dans des camps en Chine a provoqué une vague d’indignation dans le monde entier. Les recherches de l'ASPI (Australian Strategic Policy Institute) ont mené à la constitution d’une liste de marques qui profitaient de façon directe ou indirecte du travail des Ouïghours en 2019. Plus de 80 000 personnes auraient été déportées dans la région du Xinjiang pour travailler dans les usines et produire du coton.

La fast fashion voit donc arriver un nouveau paradigme qui lui est très défavorable, reposant sur l'idée de consommer moins et mieux : la slow fashion. La slow fashion va de pair avec les labels qui certifient des marques dont les employés travaillent dans de bonnes conditions avec des salaires décents. Ainsi, Oeko-tex certifie par exemple l’absence de substances nocives pouvant mettre en danger les employés. Fairtrade assure des conditions de travail réglementées : protection et sécurité des employés, interdiction du travail forcé et infantile, égalité des salaires, etc. Selon les analystes d’UBS, les marques de la fast fashion pourraient voir leurs bénéfices baisser de 10% à 30% durant les cinq à dix prochaines années. Mais il reste bien du chemin à parcourir avant que la slow fashion ne prenne le dessus sur la fast fashion.

Autres sources : Oxfam : L’impact de la mode : drame social, sanitaire et environnemental

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À propos de l'autrice
Filomène Netter
Rédactrice
Rédactrice pour Bien ou Bien, Filomène travaille sur la responsabilité sociétale des entreprises à l'école de commerce de Montpellier. Se sentant concernée par ce sujet, elle vous partage ses connaissances.
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