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Réduction du plastique : les pratiques RSE des entreprises

Réduction du plastique : les pratiques RSE des entreprises

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Fin des emballages de fruits et légumes, fin des sacs jetables en caisse, fin de la vaisselle en plastique... Comment entreprises et industriels peuvent-ils répondre à ces nouvelles réglementations ?

[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #9 : Comment vivre sans plastique ?, réalisé par ID L'Info Durable.]

De la pression des loi

Selon une évaluation du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) parue en octobre 2021, une "réduction immédiate des plastiques" et "une transformation de l’ensemble de la chaîne de valeur" est indispensable. Ainsi, "il est essentiel de passer à des approches circulaires, comme des pratiques de consommation et de production durables, une accélération du développement et de l’adoption d’alternatives par des entreprises et une sensibilisation accrue des consommateurs pour permettre des choix plus responsables".

Se rebâtir une image plus écologique est aujourd’hui une question de survie, tant du point de vue de l’urgence actuelle de la crise climatique, que de l’image renvoyée aux consommateurs. Pour ça, édicter des politiques de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) est devenu un outil incontournable pour toutes les firmes. Sous couvert de transition vers des pratiques plus durables, les sociétés mettent en place différentes mesures en leur sein et dans leurs offres proposées aux consommateurs. Partout, on mise sur la parité, la diversité des salariés, le bien-être au travail, la réduction des empreintes carbones, la compensation des émissions, les modes de transports alternatifs, mais aussi la diminution des usages de matières plastiques.

Parfois, on combine aussi plusieurs leviers à la fois. À l’image de l’entreprise HP par exemple, qui annonçait en 2019 avoir recyclé plus de 453 tonnes de bouteilles en plastique du côté d’Haïti pour les intégrer à ses produits. Un moyen d’enrayer la pollution d’un côté et de créer du revenu sur un territoire en développement de l’autre.

Autre option : les consortiums. Carrefour, Candia, Système U... Les grands noms du secteur de la distribution alimentaire se sont par exemple alliés sous l’initiative (RE)SET, un programme visant à tendre vers des emballages plus durables.

Des packagings conçus autrement, du plastique mieux recyclable... quoi qu’il en soit, pour développer ce type d’alternatives, il faut investir. Et les moyens financiers nécessaires pour mettre en place ces mesures dans des calendriers sou- vent serrés sont pour la plupart de grandes envergures, et implique de repenser profondément l’ensemble de la chaîne.

Le plastique restant la matière de référence, à la fois multifonction et abordable, il faut trouver des solutions répondant aux mêmes vertus. Ces surcoûts constituent donc un hic à la transition vers la réduction du plastique.

Qui sont les plus friands d'emballages plastiques ?

Dans l’Hexagone, Amazon remplace ses pochettes et son papier bulle par du carton, McDonald’s évince les pailles pour des versions en carton... Si ce type de mesures pèsent à minima dans la balance, à l’échelle de certaines multinationales, les retombées restent parfois dérisoires...

Au mois d’octobre dernier, l’association américaine Break Free from Plastic a dressé pour la quatrième année consécutive son classement des entreprises les plus gourmandes en termes de déchets plastiques. Pour ça, elle a envoyé ses bénévoles aux quatre coins du monde ramasser des détritus dans la nature. Une mission après ça : identifier les marques responsables.

Cette année encore, le gagnant de ce concours peu gratifiant est toujours le même : Coca-Cola. L’enseigne de sodas devance son principal concurrent PepsiCo qui se hisse à la deuxième marche du podium. Enfin, la troisième place est accordée à Unilever. Problème : le groupe aux 400 marques autour du monde a intégré cette année le cercle très restreint des principaux partenaires sociaux de la COP26 qui s’est tenue à Glasgow début novembre.

L’association a identifié en tout 440 enseignes responsables des 330 493 déchets ramassés dans 45 pays autour du monde. Le géant de l’agroalimentaire Nestlé occupe cette année la quatrième place, suivi par Protect & Gamble qui détient entre autres les marques Ariel, Tampax, Always ou encore Gillette... Enfin, pour la première fois, la Française Danone fait une entrée remarquée dans le top 10 en se hissant à la huitième place des grands pollueurs.

Les promesses sur la réduction du plastique

Coca-Cola, PepsiCo, Unilever seraient donc respectivement, selon l’ONG, les trois firmes les plus attachées au plastique. Pressées par les cadres européens, quels sont les objectifs affichés de ces entreprises en termes de réduction du plastique sur le Vieux Continent ?

Coca-Cola

La marque, qui possède aussi les sodas Tropico, Minute Maid ou encore Fanta, s’est par exemple engagée à la collecte de tous ses emballages d’ici 2025. Elle entend aussi recycler une bouteille pour chacune vendue et parvenir au 100 % d’emballages recyclables et au moins 50 % de plastique recyclé.

PepsiCo

Même son de cloche du côté de la concurrence. PepsiCo, qui détient par exemple Tropicana, Lay’s, Lipton Ice Tea, vise 100 % d’emballages recyclables, compostables ou biodégradables d’ici 2025, au moins 25 % de plastique recyclé contenu dans les emballages, ou encore la réduction de 35 % de la teneur en plastique vierge de ses emballages de boissons.

Unilever

L’entreprise possède quelque 400 marques et évolue principalement dans le secteur alimentaire. Là encore, l’échéance 2025 fixe un certain nombre d’objectifs plus ou moins similaires : réduire de moitié le plastique vierge utilisé dans les emballages, augmenter de 25 % la part de recyclé, concevoir 100 % d’emballages en plastique réutilisables, compostables ou recyclables....

Greenwashing : le doute plane

Le greenwashing – ou "écoblanchiment" en français - désigne, selon le Larousse, "l’utilisation fallacieuse d’arguments faisant état de bonnes pratiques écologiques dans des opérations de marketing ou de communication". Les grands groupes se heurtent ainsi souvent à cet argument.

Si l’on peut considérer d’un côté que le fait que ceux-ci se saisissent de ces questions soit déjà un pas en avant, de l’autre, on peut avancer que les annonces "verdoyantes" sont souvent de petite envergure au regard du chemin à faire et de l’impact environnemental de ces grandes entreprises. En avril dernier, entre les lignes de la loi Climat et résilience et de son volet sur la publicité, le gouvernement français a durci les sanctions en matière de greenwashing. Elles concernent les pratiques commerciales trompeuses comme défini par le Code de la consommation. Désormais, les entreprises responsables pourront se voir affubler d’une amende à hauteur de 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de ladite publicité ou de la pratique qualifiée comme telle - contre 50 % jusqu’ici.

Exemple, en 2020, l’Agence de la transition écologique (ADEME) a déposé plainte contre l’enseigne Showroomprivé et son spot publicitaire "Le dilemme de Camille" qui devait "choisir entre conscience et plaisir". L’Agence avait alors estimé que la marque n’avait pas respecté les recommandations de développement durable édictées par l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).

Quelques exemple de Greenwashing

L’enseigne de prêt-à-porter H&M a été épinglée en 2019 par l’Autorité norvégienne de la consommation, considérant que l’argument écologique de sa gamme "Conscious" ne tenait pas la route. En effet lors de son lancement, la marque suédoise promettait des vêtements composés de matières respectueuses de l’environnement, citant par exemple le coton bio ou le polyester recyclé. Mais pour l’instance indépendante, les informations données par H&M, géant de la fast fashion, étaient trop lacunaires : elles "ne spécifiaient pas suffisamment l’avantage environnemental réel de chaque vêtement, par exemple la quantité de matériau recyclé pour chaque vêtement", estimait alors la directrice de l’organisme Elisabeth Lier Haugseth auprès du site Deezen.

Autres pratiques trompeuses du côté de la restauration rapide. En 2019, alors que l’Europe s’apprêtait à bientôt dire adieu aux pailles en plastique, McDonald’s prenait de l’avance. Outre-Manche, on annonçait alors le lancement des versions "100 % recyclables". Mais d’après une note interne, consultée par le tabloïd britannique The Sun, ces nouvelles pailles aux mille promesses n’étaient en réalité pas plus recyclables que les précédentes.

Une information confirmée par l’accusé lui-même, se défendant de travailler à leur amélioration : "Les matériaux sont recyclables mais leur épaisseur rend difficile leur traitement par nos sous-traitants", avançait alors un porte-parole de l’enseigne auprès de CNN. Plus récemment en France, la chaîne a également lancé son programme "Eau by McDo", qui n’a pas manqué de faire des vagues.

Exit les bouteilles en plastique jusqu’alors distribuées dans les menus, l’eau se présente désormais dans des gobelets en carton, en version plate, pétillante ou aromatisée. Argument écologique de poids ? L’Eau by McDo serait surtout une poule aux œufs d’or pour le roi des fastfoods : vendue à 2,75 euros les 50 cl, celle-ci sort pourtant tout droit du robinet... La chaîne justifie ces prix par les "micro-filtres" qui équipent désormais ses restaurants et permettent de proposer une eau "purifiée à 99,99 %".

Enfin, on pourrait également citer Nestlé, qui occupe cette année la quatrième place du classement de Break Free from Plastic. La multinationale, qui tient à son image verte et abonde en ce sens dans les lignes de ses rapports annuels de développement durable, est aussi plongée dans un scandale ces dernières années qui prend racine dans les Vosges. Elle y est notamment accusée de prise illégale d’intérêt, pompant abondamment les eaux des nappes phréatiques de Vittel pour les embouteiller...

Sans trop se soucier du déficit provoqué dans la commune. Également très friande de plastique, elle est aussi soupçonnée de dissimuler des décharges sauvages dans la région, d’après une enquête de Libération parue en mai dernier. Dans les colonnes de Vosges Matin, la firme a dû s’en défendre, remettant une couche de vernis écologique sur cette affaire : reconnaissant aux moins cinq de ces décharges, elle assure vouloir "assumer financièrement l’intégralité de l’assainissement", selon le directeur de la production David Vivier.

Quant à ses objectifs de développement durable, Nestlé a annoncé cette année l’introduction de plastique biosourcé dans certains de ses emballages. Fabriqué à partir de canne à sucre, il concerne notamment les couvercles et cuillères de ses produits pour nourrissons et est pour l’heure disponible en Belgique et au Luxembourg. "Le principal avantage de ces plastiques biosourcés est que la canne à sucre est une plante qui peut être continuellement renouvelée, à l’opposé des matières fossiles", avance la marque. Une bien belle promesse donc. Mais qu’ils soient "biosourcés", "biodégradables" ou "compostables", les "bioplastiques" posent pourtant question.

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