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Carole Tawema, pionnière du beurre de karité brut en France avec sa marque Karethic

Carole Tawema, pionnière du beurre de karité brut en France avec sa marque Karethic

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Depuis plus de 10 ans, Carole Tawema valorise avec Karethic les savoir-faire de centaines de productrices installées au nord du Bénin. Pionnière du beurre de karité brut en France, l'entrepreneuse a créé une belle gamme de cosmétiques minimalistes, certifiés biologiques et équitables. Avec une démarche exigeante : avoir un impact social et environnemental toujours plus positif, tout en innovant constamment pour faire découvrir les trésors de l'arbre de karité.
Karethic

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Département de l’Atacora, au nord du Bénin. Chaque année, au mois de juin, au cœur de la saison des pluies, 700 femmes s’en vont ramasser les fruits tombés de l’arbre de karité. Dans cette région située tout près de la Réserve de biosphère de la Pendjari, les productrices transforment leur précieuse récolte en un beurre de karité "Grand cru", ingrédient exceptionnel qui composera les cosmétiques de la marque Karethic

Une histoire débutée en 2006, à quelques 8000 kilomètres plus au nord, à Vaasa, en Finlande. Carole Tawema, alors étudiante en Erasmus, subit une crise d’eczéma sévère, sans trouver de solution efficace. L’étudiante, née au Bénin, a passé son adolescence en France. Après son bac, elle intègre une école de commerce marseillaise. Avant son départ vers le Grand Nord, sa mère glisse dans sa valise un bloc de karité brut, “au cas où”. C’est ce produit naturel qui va “sauver [sa] peau”. 

Absolu de karité Karethic
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Une filière, beaucoup (trop) d’intermédiaires

En parallèle, Carole rédige alors son mémoire de fin d’études sur les stratégies de développement du commerce international du karité pour l’Afrique. “Mes conclusions étaient les suivantes : la filière repose sur trois principaux acteurs. Les productrices de karité, les intermédiaires qui achètent les amandes et les revendent à des négociants qui les exportent, et enfin les producteurs de beurre de karité industriel. Cela fait beaucoup d’intermédiaires, et donc un revenu amoindri pour les productrices”, observe-t-elle.

Une fois diplômée, la jeune femme travaille pendant quelques années en tant que consultante dans le secteur informatique, tout en mûrissant son idée : “Je décide d’étudier les alternatives, pour éliminer les intermédiaires, répartir les richesses équitablement, mettre en valeur les savoir-faire et faire connaître les vertus du karité brut”. En 2009, elle se lance dans un projet-pilote, avec sa sœur qui vit au Bénin. Pour ma recherche, j’avais aussi lu beaucoup de littérature scientifique, notamment anglophone, sur les techniques pour éviter de raffiner industriellement. Nous les mettons donc en œuvre”. 

Je décide d’étudier les alternatives, pour éliminer les intermédiaires, répartir les richesses équitablement, mettre en valeur les savoir-faire et faire connaître les vertus du karité brut.

Beurre de karité brut 

D’où vient le beurre de karité ? De l’amande, cachée dans la noix, à l’abri dans le fruit que porte l’arbre de karité. Les fruits tombés, bien mûrs et riches en matières grasses, sont traités par les productrices : dépulpés, nettoyés et séchés. Puis, les amandes sont écrasées, torréfiées et transformées en une pâte malaxée avec de l’eau. Une mousse remonte : c’est le beurre, qui sera ensuite décanté longuement. Ces étapes sont primordiales pour obtenir un beurre de karité brut, bien plus qualitatif que le beurre de karité industriel que l'on trouve habituellement dans les cosmétiques, raffiné, c'est à dire blanchi, chauffé à haute température, désodorisé... Et donc dépourvu de ses bienfaits.

“Si les conditions de stockage sont correctes, si l’environnement est de bonne qualité, il n’est vraiment pas nécessaire de raffiner le beurre de karité ! En maîtrisant chaque étape - comme la température de torréfaction - grâce à un savoir-faire et des méthodes d’extraction précises, propres à Karethic, nous obtenons un beurre de karité Grand cru”, soit un ingrédient frais, très réparateur et nourrissant pour la peau, mais aussi “anti-inflammatoire, anti-oxydant, et désinfectant”. 

Bio et équitable

Dès le début, Carole propose aux productrices un appui technique, un environnement sécurisé et des rémunérations justes, à la fois pour la récolte ET pour la transformation, effectuée dans une unité de production construite et équipée par Karethic. Réunies en coopératives, elles ont un revenu 2 à 3 fois supérieur au seuil de pauvreté, à un moment “creux”, puisque les terres ne donneront des récoltes et des revenus qu’à partir de janvier. De plus, les productrices partenaires s’engagent à scolariser leurs filles. 

Dès l’origine aussi, Carole lance la procédure pour obtenir des certifications équitable (World FairTrade Organization) et bio (avec le référentiel Cosmos Organic). Et ce “pour améliorer les revenus de nos productrices. Et puis, le marché du bio était le plus à même de comprendre notre démarche et donc de garantir un bon prix”. 

Beurre de karité Karethic
Karethic

Une fois la première production - 200 kilos de beurre de karité brut - réalisée, l'entrepreneuse voyage beaucoup, des Etats-Unis à l’Espagne, pour montrer son beurre et ses qualités organoleptiques. “Mais personne ne veut l’acheter… Notamment à cause de son prix, beaucoup plus élevé que du beurre de karité produit dans de mauvaises conditions. Alors, nous avons décidé de créer nos propres cosmétiques”, raconte Carole. 

Formuler des cosmétiques au beurre de karité brut

Trouver un labo pour les formuler n’est pas une mince affaire. “À ce moment-là, les gens voulaient des cosmétiques blancs, avec une texture crème, pas gras… On arrivait avec tout le contraire ! Mais avec la garantie d’un beurre non raffiné, avec un impact social fort… Ce que beaucoup de marques ont commencé à proposer bien après”, commente Carole. Finalement, un bloc de beurre de karité brut convainc Caroline, la formulatrice du laboratoire français Savoirs des peuples, connu, comme son nom l’indique, pour préserver les savoirs des peuples, mais aussi lutter contre la biopiraterie. Ensemble, elles vont créer au fil du temps de nombreux produits Karethic, “des cosmétiques minimalistes, pour préserver karité brut avec le moins d’ingrédients mais le plus d’effets possible” : savons, crèmes, sérums, shampooings et autres soins capillaires...

Nous formulons des cosmétiques minimalistes, pour préserver karité brut avec le moins d’ingrédients mais le plus d’effets possible.

Les turbulences renforcent la détermination de l’entrepreneuse. En 2014, l’abandon d’un gros distributeur bio, pour le compte duquel Carole développait une gamme de produits, la pousse à mettre les bouchées doubles. Après avoir visité 200 points de vente en deux mois, elle signe avec Biocoop : “À partir de ce moment-là, on a intérêt à avoir les reins solides ! Pour pouvoir poursuivre, nous avons donc fait une levée de fonds avec l’un des tout premiers fonds à impact”. 

Améliorer la vie des femmes

Cette même année, Karethic devient une marque pionnière de l'agrément "Entreprise solidaire d’utilité sociale" (ESUS) et introduit une texture plus crémeuse dans ses produits, grâce au miel de karité, également récolté par les productrices au Bénin, ce qui "donne une valeur au miel, qui devient un produit recherché”. Karethic innove encore en transformant la coque de karité, réduite en poudre pour être utilisée dans des gommages.

En 2017, Anne-Marie Gabelica, fondatrice d’oOlution, alors chroniqueuse dans La Quotidienne, parle de la marque pendant l’émission :“Cela a créé un appel d’air. Quelque chose se passe autour du karité brut”. Le point très positif, c'est que l’intérêt grandit, mais… “La demande augmente et les prix sont aussi divisés par trois. Je découvre l’effet de la compétition, qui freine mon développement”. De grandes marques peu regardantes sur les conditions de travail s’y mettent peu à peu.

On porte l’espoir qu’il est possible de changer les choses.

Tout en travaillant sur plusieurs fronts - répondre à la demande sur le marché africain en créant de la valeur sur place, affiner des projets de Recherche et Développement ou encore expérimenter la mutualisation des emballages consignés - Carole essaye de sensibiliser un maximum le grand public. “Pour montrer comment on peut avoir un vrai impact social positif. Dans un contexte de perte de pouvoir d’achat, c’est difficile. Mais nous avons des clients fidèles. Et on porte l’espoir qu’il est possible de changer les choses”. Et Carole est fière du chemin parcouru : “en 10 ans, nous avons amélioré la vie des jeunes filles et des femmes”. 

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À propos de l'autrice
Lucie de la Héronnière
Responsable éditoriale
Lucie a travaillé pendant une dizaine d'années pour la presse et l'édition. Sa spécialité ? L'alimentation et ses enjeux. Pour Bien ou Bien, elle plonge désormais dans toutes les facettes de la consommation responsable.

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