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Provenance des produits : bio d'ici ou bio d'ailleurs ?

Provenance des produits : bio d'ici ou bio d'ailleurs ?

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Bio, de saison, local, en circuit court... Telles seraient les formules gagnantes d’une alimentation respectueuse de sa santé et de la planète. Mais les transports représentent une part non-négligeable de l’impact carbone global des produits. Comment s’y retrouver ? Faut-il privilégier le bio venu de loin ou le conventionnel local ?
ID L'info durable

[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #11 : Tout savoir sur l'alimentation bio, réalisé par ID L'Info Durable]

À l’heure où la guerre en Ukraine met à mal l’approvisionnement mondial en blé, la question de la sécurité alimentaire se fait plus pressante que jamais. Et le sujet de l’agriculture biologique est remis sur la table. Selon les projections de la FAO, la population mondiale devrait considérablement augmenter d’ici à 2050, atteignant jusqu’à 10 milliards d’êtres humains sur Terre. Nourrir le monde de demain s’apparente alors à un véritable défi. Selon la Déclaration de Rome de 1996, la sécurité alimentaire est définie comme la procuration d’une "nourriture suffisante, saine et nutritive". L’urgence est ainsi de parvenir à produire davantage en augmentant les rendements agricoles entre 50 et 70 %, estime toujours la FAO.

Une solution pour nourrir le monde ?

Si l’agriculture biologique entend répondre à la problématique de production de denrées "saines", la question de son rendement est, elle, toujours discutée. En 2017, un rapport publié dans la revue Nature Communication indiquait qu’un modèle agricole 100 % biologique exigerait une augmentation de 16 à 33 % des terres cultivables. Mais le document précise en outre que l’agriculture biologique pourrait nourrir l’ensemble de la population mondiale d’ici 2050, si le gaspillage alimentaire et la consommation de viande étaient drastiquement diminués.

De son côté, une étude menée par l’INRAE estime que, malgré ces paramètres, le bio ne pourrait pourtant pas dépasser les 60 %. La raison : le besoin en azote des plantes nécessaire à leur croissance, actuellement fourni par les engrais de synthèse.

À ces chiffres émettant des doutes sur les capacités de production du bio, Philippe Bramedie, auteur du livre La bio : un avenir pour tous, rappelle parallèlement à cela l’ampleur du gaspillage alimentaire dans le monde. Selon une étude de 2017 du Parlement européen, "l’Europe gaspille (jette à la poubelle) 88 millions de tonnes de nourriture, soit 20 % de l’ensemble des denrées alimentaires qu’elle produit" chaque année. Pour la France, cette nourriture consommable représente en moyenne 10 millions de tonnes de déchets annuels.

L’Europe gaspille (jette à la poubelle) 88 millions de tonnes de nourriture, soit 20 % de l’ensemble des denrées alimentaires qu’elle produit.

Au sein des instances européennes, la question suscite toujours le débat. D’autant plus depuis le début de l’offensive russe en Ukraine. Les parlementaires s’écharpent quant à la stratégie dite "Farm to Fork" - ou "De la fourche à l’assiette" -, visant à réduire de 50 % les pesticides et de 20 % les engrais d’ici 2030. Une étude américaine estime par exemple que celle-ci risque de diminuer la production alimentaire mondiale de 12 %. Si l’UE entend axer sa politique agricole à venir sur le bio, la FAO et autres instances internationales n’ont, pour leur part, pas encore pris position sur le sujet.

Le bio d'ici vaut-il le bio d'ailleurs ?

En France, les importations représentent 31,9 % des produits bio vendus sur le territoire national, selon les chiffres de l’Agence Bio. En 2020, celles-ci représentaient alors plus de 33 %. Mais le bio d’ici répond-il aux mêmes exigences, aux mêmes normes que le bio d’ailleurs ?

En 2018, l’Union européenne a adopté un nouveau règlement relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits. Entré en vigueur le 1er janvier 2022, il renforce également la réglementation existante quant à l’importation de produits en provenance de l’étranger.

Avant lui, les produits bio cultivés dans certains pays pouvaient être importés s’ils respectaient le cahier des charges imposé par l’Union européenne. Ils devaient alors être munis d’un certificat d’inspection électronique qui était délivré par des organismes indépendants. Ceux-ci étaient de deux types : le premier à destination des pays dont les normes étaient jugées équivalentes à celles de l’Union - tels que le Chili ou la Tunisie par exemple -, le second pour les autres, dont les produits étaient ainsi contrôlés par des organismes indépendants nommés par la Commission. Mais cette réglementation donnait lieu à certaines irrégularités, les organismes de contrôle ayant tendance à baisser leurs standards afin de laisser davantage de produits passer la frontière - et donc gagner plus d’argent. La nouvelle réglementation vise à combler cette faille.

Les produits bio exportés depuis des pays tiers, sans accord d’équivalence avec l’UE, devront désormais respecter le même cahier des charges que les produits européens, non plus celui du pays exportateur. Autrement dit, si l’on trouve sur nos étals une banane produite dans un pays sans accord avec l’Europe, leur production aura respecté le même cahier des charges que celui imposé à une banane européenne.

Quelle réglementation en France ?

Si la réglementation européenne fixe les normes de production en agriculture biologique pour l’ensemble des Etats membres, la France dispose en outre de cahiers des charges annexes. Ceux-ci concernent certains produits non pris en charge par ledit règlement. L’un, adopté en décembre 2021, aborde le mode de production des animaux d’élevage, tels que les escargots, lamas, alpagas, autruches... L’autre, adopté en 2019, traite de la restauration collective. Lorsque ceux-ci sont labellisés bio, le pourcentage de produits issus de l’agriculture biologique est mentionné dans leur menu.

Quelles différences entre les labels AB et Eurofeuille ?

Depuis 2010, le label Eurofeuille est obligatoire sur les produits à 100 % issus de l’agriculture biologique, ou pour les produits dits transformés contenant au moins 95 % d’aliments issus de l’agriculture biologique et dont la part restante ne peut être cultivée en bio.

eurofeuille

Ce logo, valable dans tous les Etats membres de l’UE, atteste donc du respect du cahier des charges européen. L'Eurofeuille mentionne également le nom du producteur, le numéro d’agrément de l’organisme certificateur, ainsi que le lieu de production ("UE/Hors UE"), avec parfois le pays d’origine.

AB

Quant au label Agriculture biologique (AB), il reste facultatif depuis l’entrée en vigueur du label européen. Il y a donc désormais plus de chance de croiser l’Eurofeuille que les deux lettres AB. Cependant, la certification créée par le ministère de l’Agriculture en 1985 est bien identifiée par les consommateurs français et se veut, en outre, plus exigeante.

Ces deux certifications se caractérisent comme les labels "officiels" de l’agriculture biologique, à échelle nationale et européenne. Ceux-ci assurent un premier niveau d’exigence, qui pour certains, n’est pas encore assez. Ainsi, d’autres acteurs du secteur ont mis en place leur propre certification répondant à leur propre cahier des charges plus exigeant : Nature et progrès, Biocohérence, Déméter...

Les circuits courts, parfois plus polluants ?

Si l’agriculture biologique est prisée comme un type d’agriculture plus respectueux de l’environnement, selon son mode de distribution, il entraîne aussi d’autres types de pollution. D’autant que, les labels bio - AB, Eurofeuille... - ne prennent pas en compte l’empreinte carbone globale des produits. Entre circuits courts en bio, en conventionnel ou encore produits bio importés, la meilleure alternative n’est pas toujours celle que l’on pense. Bananes de Martinique ou encore avocats d’Amérique du Sud sont monnaie courante sur nos étals de supermarchés français. Tous ces produits, bien qu’estampillés bio, parcourent des milliers de kilomètres en avion, en bateau ou en camion, générant ainsi une quantité d’émissions de gaz à effet de serre. D’un bout à l’autre de sa chaîne de valeur, le bio n’est donc pas sans conséquence sur l’environnement. D’autant que, si l’étiquette mentionne le pays d’origine du produit en question, elle ne fait toutefois pas état du mode de transport utilisé pour l’importer.

Faut-il alors privilégier l’approvisionnement en circuit court ? Malgré leurs atouts indéniables, ceux-ci n’ont pas toujours tout bon. Notamment lorsque l’on parle de ces filières, plus "petites", et donc parfois avec une logistique moins bien rodée que les autres. Dans un avis paru en 2017, l’Ademe faisait par exemple état de ce constat : les circuits courts peuvent en effet s’avérer plus polluants que les plus longs.

Des légumes
Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Si le mode de production reste le premier point à prendre en considération, d’autres facteurs entrent aussi en ligne de compte, à commencer par le mode de transport utilisé. "Si dans le cadre des circuits de proximité, les produits parcourent une distance plus faible, les consommations d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas, pour autant, systématiquement plus faibles. Ramenées au kilogramme de produit transporté, elles peuvent parfois même être plus élevées", note l’Agence. Exemple : "Les émissions par kilomètre parcouru et par tonne transportée sont environ 10 fois plus faibles pour un poids lourd de 32 tonnes et 100 fois plus faibles pour un cargo transocéanique que pour une camionnette de moins de 3,5 tonnes : ils permettent de parcourir de plus grandes distances avec un impact gaz à effet de serre équivalent".

Toutefois, les circuits courts pratiquent une agriculture plus souvent de saison et bio. L’Ademe estime encore que près de 10 % des exploitations en circuits courts pratiquent l’agriculture biologique, contre 2 % en circuits longs.

Autre dimension, selon le journal spécialisé LSA Conso, les distributeurs investissent davantage dans le local, mais tous n’ont pas la même définition. Certains choisissent ainsi de travailler directement avec les producteurs, tandis que d’autres préfèrent passer par l’intermédiaire de plateformes logistiques. Par ailleurs, les "circuits courts" n’ont pas de définition officielle délimitant la proximité en question. D’après Bercy, il s’agit surtout de limiter le nombre d’intermédiaire, mais là encore, la France tarde à légiférer sur la question : "La notion de circuits courts est utilisée pour valoriser un mode de vente limitant le nombre d’intermédiaires mais ne prévoit pas de notion de proximité physique (kilométrage)", tranche le ministère de l’Economie.

La Convention citoyenne pour le climat avait par ailleurs édicté une proposition visant à faire grandir ces derniers : "Nous souhaitons agir sur une notion pas assez développée selon nous dans la loi EGalim : celle de ‘circuits courts’", écrivaient alors les 150. Nous avons conscience que les productions locales ne sont pas forcément les plus performantes d’un point de vue environnemental. Nous tenons néanmoins à l’idée de circuits courts territorialisés, car c’est en rapprochant les consommateurs et les producteurs qu’il est possible de changer l’ensemble de notre système alimentaire".

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