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Un mois sans viande ni poisson : j'ai survécu !

Un mois sans viande ni poisson : j'ai survécu !

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Avant la sortie de ce nouveau numéro d’Idées Pratiques, l’une de nos journalistes a été mise au défi de rayer la viande et le poisson de ses assiettes pendant un mois (et plus si affinités !) et de se tourner vers une alimentation plus végétale, locale et de saison. Elle raconte son expérience.
©Agathe Palaizines / ID

[Cet article a été initialement publié dans le guide IDÉES PRATIQUES #2 : L’écologie dans nos assiettes, réalisé par ID L'Info Durable]

En décembre dernier, ID a sorti son tout premier guide trimestriel "Idées pratiques". Après ce premier numéro - "Bébé (aussi) sera écolo" -, nous voilà déjà lancés dans la rédaction du deuxième. Nous avons tenté à travers ce guide de rendre compte des grands enjeux d’une alimentation plus durable et des solutions pour manger mieux sans dépenser plus.

Parce qu’une alimentation "bonne pour le climat" peut passer par le fait de mettre plus de végétal dans son assiette, je me suis lancé le défi de bannir la viande et le poisson de mes repas. À l’heure où les cantines françaises sont désormais soumises à un repas non carné par semaine - minimum -, de mon côté, je deviens végétarienne à plein temps.

Quand on veut se lancer dans un régime meilleur pour la planète, on entend souvent crier gare à la viande et au poisson... Mais en réalité, c’est un peu plus compliqué. Le bilan carbone de notre alimentation dépend aussi de l’origine des produits consommés. Manger du quinoa cultivé au Pérou ou plutôt du poulet élevé dans une ferme régionale ? L’équation est vite résolue. Mais alors pourquoi veut-on la peau de l’alimentation carnée ? Avant même que je ne commence mes recherches sur le sujet, m’est revenue en tête une interview réalisée quelques mois auparavant dans le cadre d’un article de "projection". J’avais interrogé un économiste spécialisé dans la transition énergétique et l’adaptation aux changements climatiques pour lui demander ce que devraient être nos habitudes alimentaires du monde de demain.

"Ce qui pose problème en agriculture, c’est principalement l’élevage du bétail qui rejette de grosses quantités de méthane, un puissant gaz à effet de serre", m’avait-il répondu. Deux poids, deux mesures donc puisque mon poulet fermier élevé en plein air acheté chez le boucher du coin ne fait pas nécessairement exploser la note de mon bilan carbone. Mais dans le cadre du défi, si je décide de stopper net toute forme de viande et de poisson, je m’attacherai aussi et surtout à consommer de manière plus responsable : local et de saison donc. Quant au bio, j’en ferai un critère de sélection, mais pas un impératif. C’est parti pour trente jours dans la peau d’une végétarienne.

Un récap’ des régimes alimentaires

Régime végétarien Fruits, légumes, céréales, produits laitiers, légumineuses.

Régime végétalien Fruits, légumes, céréales, légumineuses.

Régime flexitarien Principalement végétarien, mais la viande et le poisson consommés occasionnellement, en faisant attention à la production, en conscience écologique.

Régime locavore Consommation de produits locaux uniquement. Attention particulière portée à l’impact de production des aliments, à la localisation pour minimiser l’impact du transport.

Régime biologique Consommation d’aliments uniquement certifiés bio.

Mes premières courses végétariennes

2020 vient de pointer le bout de son nez, amenant son lot de bonnes résolutions pour la nouvelle année. Nous sommes début janvier quand mon défi commence. Avant tout, il faut savoir que j’ai été éduquée à la "bonne bouffe". Chez moi, on mange de bons repas, faits maison, variés, équilibrés, composés de fruits, de légumes... mais aussi de viande et de poisson. Si je ne me débrouille pas trop mal en cuisine, je dois bien avouer que le temps comme la motivation me manquent parfois. Dans une vie parisienne où tout va vite, il m’est souvent arrivé de faire un saut au fast-food d’en bas pour mon repas du soir, ou encore de remplir mon congélateur de plats surgelés pour la semaine.

D’ordinaire, je consomme assez peu de poisson, notamment en raison de son coût. En revanche, la viande fait partie intégrante de mes repas, et ce, plusieurs fois par semaine. Toutefois, on trouvera plus de steaks hachés surgelés dans mon congélateur qu’une bonne pièce de viande du boucher dans mon frigo. Là encore, c’est plutôt une question de porte-monnaie. Avec ce défi végé, pas le choix : je me retrousse les manches et me remets aux fourneaux. Car qui dit "alimentation saine" dit forcément "cuisine maison". J’ai aussi bon espoir que ce mois végétal me permette de faire des économies...

Après une première semaine où je termine les restes que je trouve dans mes placards, je fais mes premières courses végétariennes en m’attachant bien sûr à acheter local et de saison, suivant le calendrier du mois de janvier. Carottes, poireaux, pommes de terre, patates douces... pommes, clémentines, oranges... Mon panier est rempli de fruits et légumes et la note me revient à une soixantaine d’euros environ au "Franprix" du coin. À vue de nez, j’ai de quoi tenir au moins deux semaines.

Boostée par ces courses végétales, je me crois presque dans Top Chef et me voilà partie pour un dimanche en cuisine. Je me lance donc dans plusieurs recettes piochées sur "Marmiton", avant de remplir mon frigo de tupperwares. Soupe de poireaux, pommes de terre et champignons de Paris ; purée de patates douces et carottes au curcuma ; purée de maïs, pois chiche et piment ; lentilles corail au lait de coco ; tarte aux poireaux et maroilles ; gratin de coquillettes aux légumes et à la tomme ; salade de lentilles vertes et oignons ; cake aux légumes… Voici entre autres de quoi ont été composés mes repas ces dernières semaines.

Plat maison cuisiné avec des produits achetés chez « Kelbongoo ».
Agathe Palaizines / ID

Courses bio, addition salée

Troisième semaine de défi et mes placards se vident. Alors qu’à la rédaction, nous préparons une chronique sur l’alimentation locale, l’une de nos journalistes a rendez-vous dans l’enseigne "Kelbongoo" à Paris. Je m’incruste et en profite pour préparer mon panier de courses.

Présent dans les 10ème et 20ème arrondissements parisiens, ainsi qu’à Montreuil depuis peu, "Kelbongoo" propose à ses clients des produits frais, fournis par des producteurs picards. Le principe est simple : on commande en ligne (en fonction des arrivages) et quelques jours plus tard, on vient récupérer ses courses dans l’une des boutiques parisiennes.

Je remplis donc mon panier de quelques poireaux, carottes et pommes et une semaine plus tard, mes courses sont disponibles dans le magasin de la rue Bichat. Nous sommes samedi quand je m’y rends et je m’attendais à voir un magasin peu fréquenté. Finalement, il y a foule ! Je fais donc la queue pendant une quinzaine de minutes avant d’être prise en charge par un employé qui me confie un IPad affichant le résumé de ma commande. Devant des étals remplis de produits frais classés par catégorie, des préparateurs de commande s’affairent. Ils remplissent les paniers des clients. L’on peut également acheter directement quelques produits sur place. Pour ma part, le tout me revient à 28 euros. Si le prix n’est pas excessif, pour l’enseigne qui se targue de proposer "des produits frais à petits prix", je ne note pas de grande différence avec d’autres concurrents.

En revanche, une chose est sûre, la qualité des produits est assurée. Par curiosité, j’ai consulté le site de "La Ruche qui dit Oui !" - qui propose à peu de choses près le même service - pour comparer les marges. Je remarque quelques centimes de différence chez cette dernière, légèrement en deçà des prix fixés par "Kelbongoo".

La quatrième et ultime semaine de mon défi, je me rends au magasin bio en bas de chez moi pour acheter quelques produits manquants. Non pas des fruits et légumes mais des pâtes, des lentilles, du savon, des produits ménagers, etc. C’est un "Bio c’bon" et là, j’ai bien failli y perdre un bras ! Quelques produits me reviennent à 40 euros. J’ai renoncé à un pot de miel dont le prix le moins cher était affiché à 10 euros.

Écarts et frustration

Mon mois de janvier végétarien s’achève quand arrive celui de février. Dire que j’ai fait un sans-faute, sans écart et sans privation serait mentir. Première mise à l’épreuve dès le deuxième jour de mon défi végé. Nous sommes mardi midi et l’équipe d’ID décide de déjeuner à l’extérieur de la rédaction... Nous voilà partis en direction du restaurant japonais du coin. À mon grand désespoir, en tant que grande consommatrice de cuisine japonaise et notamment de sushis. Je traîne la patte, me demandant ce que je vais bien pouvoir avaler, mis à part des makis végétariens au concombre - qui soit dit en passant ne répondent pas vraiment non plus aux critères de saisonnalité. Non sans frustration, j’opte finalement pour des nouilles sautées aux légumes accompagnées de gyozas végétariens.

Gozzi
©Agathe Palaizines / ID

Le reste de la première semaine se passe sans accroc, jusqu’à celle d’après. Le mercredi soir, je trouve au fond de mon frigo des crevettes oubliées... S’il y a bien une pratique alimentaire que j’ai assimilée depuis toujours, c’est qu’il m’est inconcevable de gâcher de la nourriture. Alors à date limite de péremption, je fais le choix de consommer ces quelques crevettes plutôt que de les sacrifier pour la poubelle.

Enfin, la dernière mise à l’épreuve en date remonte au vendredi de la deuxième semaine au détour d’une sortie au restaurant en famille dans le centre de la capitale. Une bonne brasserie française, à la carte de vins et de plats bien fournie, et notamment en viandes. Nous commandons à boire et pour accompagner l’apéro, une planche à partager... de charcuterie ! Jambon de pays, pâté de campagne, rosette me font de l’oeil mais je résiste et me tourne vers les cornichons et la salade. Enfin, au moment de commander les plats, la carte est alléchante : bœuf bourguignon, pot-au-feu, escalope milanaise, poulet rôti, burger, daurade, bar... Et finalement, peu de plats végétariens. J’opte donc pour des pennes aux cèpes, sans avoir trop d’autres choix. Moins cher que le reste de la carte par contre !

30 jours de légumes... Mon bilan

Finalement, plus les jours sont passés et plus j’ai pris le pli. Si l’on résume mon mois végétal : quelques frustrations (toutefois loin d’être insurmontables), pas d’écart en termes de viande, mais une (petite) sortie de route en termes de poisson.

Et finalement, j’en tire plutôt du positif. J’ai pris goût à mes nouvelles habitudes alimentaires : j’ai aimé cuisiner et chercher des recettes originales pour varier les plaisirs. J’ai eu l’impression de me sentir en meilleure forme. Mais je n’exclus toutefois pas l’effet placebo de mon expérience...

En revanche, en termes de porte-monnaie, je n’ai finalement pas vraiment l’impression d’avoir fait des économies. Si les prix assez élevés de la viande se sont éclipsés de mes additions, sans surprise, celles-ci ont plutôt grimpé quand j’ai décidé de sortir des supermarchés habituels pour me tourner vers les plus petits magasins de proximité.

Enfin, je dois également bien reconnaître que j’aurais pu être une élève plus assidue : calculer le nombre de calories journalières dont j’avais besoin, noter dans un carnet l’ensemble des produits consommés, ne choisir uniquement que des produits de proximité, ou encore arrêter totalement les supermarchés, à l’image de la journaliste Mathilde Golla qui a tenté l’expérience (à lire dans son ouvrage 100 jours sans supermarché aux éditions Flammarion).

Quoiqu’il en soit, le bilan penche plutôt vers le positif. Et si dès le lendemain de la clôture de mon défi, je n’ai pas résisté à l’envie de me cuisiner du poisson en papillote, je compte tout de même bel et bien continuer sur ma lancée et pérenniser mes nouvelles habitudes alimentaires. Pas encore prête à passer au régime 100 % végétarien, ma nouvelle ligne de conduite sera dirigée vers le régime flexitarien : plus de cuisine maison, moins de viande, plus de légumes, de légumineuses, de céréales, une consommation dans le respect de la saisonnalité et en limitant les circuits d’approvisionnement...

Par Agathe Palaizines.

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